La Cour suprême des États-Unis refuse d’entendre les appels sur le jugement Kessler

Les cigarettiers américains ont violé la loi sur les rackets mais ils n’ont pas d’amende à payer. Point final.

Le 28 juin dernier, la Cour suprême des États-Unis a refusé d’entendre un appel du gouvernement fédéral américain et simultanément un appel des cigarettiers concernant tous deux le jugement rendu le 17 août 2006 par la juge Gladys Kessler, de la Cour fédérale du District de Columbia, à Washington. Le plus haut tribunal des États-Unis met ainsi le point final à une saga judiciaire commencée 11 ans plus tôt.

Dans un jugement de 1653 pages, qui venait temporairement clore des procédures entamées par la Procureure générale des États-Unis en 1999, la juge Kessler affirmait en août 2006 que les grands cigarettiers ont mis en marché et vendu leurs produits mortels avec zèle et tromperie dans l’unique but d’accroître leurs profits, et ce, sans aucun égard pour la condition humaine et pour les coûts sociaux exigés par ce succès. « Pendant plus de 50 ans, les [cigarettiers accusés] ont menti, fait de fausses déclarations et trompé le public américain […] sur les effets dévastateurs du tabagisme et de la fumée de tabac dans l’environnement », écrivait la magistrate. La juge Kessler précisait que les cigarettiers « ont supprimé des recherches, détruit des documents et manipulé les taux de nicotine pour augmenter et perpétuer la dépendance, en plus de cacher la vérité sur les cigarettes légères et à faible teneur en goudron afin de décourager les fumeurs d’abandonner le tabac. »

Malgré ce verdict accablant, le jugement Kessler avait aussi statué que les firmes coupables ne devaient pas un sou pour leur violation passée de la loi sur les organisations malhonnêtes et les rackets. L’appel des cigarettiers visait donc à laver leur réputation et contestait le verdict de 2006, alors que l’appel du ministère fédéral de la Justice contestait la sentence et visait à récupérer une partie ou la totalité des 289 milliards de dollars initialement réclamés aux fautifs. En vain.

D’importants constats du jugement Kessler ont toutefois figuré en bonne place dans le préambule justificatif de la Family Smoking Prevention and Tobacco Control Act adoptée par le Congrès en juin 2009.

Pierre Croteau (avec Josée Hamelin)